Entrer au Paradis du safran, à une trentaine de km de Marrakech sur la route de l’Ourika, c’est aller à la découverte de l’or rouge, l’épice la plus chère au monde -30 euros le gramme de fleur séchée-. « La cherté du produit s’explique par la minutie et la pénibilité du travail, explique Christine Ferrari, la maitresse des lieux, une Suissesse installée au Maroc depuis 2008. Les fleurs sont ramassées une à une à la main par les femmes berbères du douar voisin avant d’être émondées et séchées. Les trois filaments de safran sont retirés sur chaque fleur et débarrassés de la partie jaunâtre. Il faut savoir qu’une trentaine de corbeilles de 200 fleurs donnent entre 4 et 5 grammes de safran frais pour aboutir à un seul gramme une fois séché. » Si les origines du safran restent mystérieuses, on sait que c’est l’épice la plus ancienne et la plus précieuse au monde, dont la découverte est établie aux alentours du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Au Maroc, la culture de cet or rouge fut introduite dans la région du Siroua vers le XVIIe siècle. Elle fait aujourd’hui vivre près de 1.500 personnes et constitue la plus importante production du Royaume, avec plus de 1.300 ha plantés. Quand Christine Ferrari s’est lancée dans l’exploitation du safran, elle ne savait même pas comment poussait une salade : « Il n’y avait strictement rien sur mes deux hectares, pas une pousse d’herbe, mais j’ai voulu relever ce challenge parce que depuis mon enfance j’ai toujours été fascinée par cette plante et je savais qu’on pouvait la cultiver au Maroc. » Christine achète six tonnes de bulbes, fait creuser des puits, installe le système d’irrigation et fait appel à des agriculteurs spécialisés dans la culture de la plante. Cette année, la récolte ne sera pas géniale pour des raisons climatiques, mais Christine Ferrari mise sur la qualité exceptionnelle de sa production. « Je suis fière de proposer un safran d’une grande pureté, et c’est ce qui élève son prix, dit-elle. Si vous trouvez du safran à moins de 5 euros le gramme, c’est qu’il est falsifié, comme d’ailleurs 90% du marché international où l’on retrouve l’épice mélangée à divers produits comme de la barbe de maïs, des plumes de poule, de la viande séchée et même du plastique… » Pour rentabiliser son exploitation, Christine a eu une idée géniale : un parcours touristique écologique avec un sentier sensoriel « pieds nus », l’organisation d’ateliers cuisine où l’on fabrique soi-même son pain avant de déjeuner, et la visite de son jardin botanique qui ne recense pas moins de cent vingt variétés de plantes aromatiques, agrumes, arbres fruitiers exotiques ou roses… L’entrée au Paradis en somme.