Trois secrets d’urbanisme que vous ignoriez peut-être sur Marrakech

On croit la connaître par cœur. On arpente ses ruelles, on admire ses couleurs. Mais Marrakech a été conçue par des bâtisseurs de génie qui ne laissaient rien au hasard. En ce dimanche, La Tribune vous dévoile trois secrets d’urbanisme que vous ignoriez peut-être sur la Ville Ocre.

1. Pourquoi des oranges « amères » dans les rues ?

Vous avez sans doute déjà vu un touriste tenter de croquer dans une orange cueillie sur un arbre de l’avenue Mohamed V… et grimacer ! Ces arbres sont des bigaradiers, dont les fruits sont impropres à la consommation crue. Pourquoi ce choix ? Le bigaradier est plus résistant que l’oranger doux, nécessite peu d’entretien, et ses fleurs – dont on extrait le précieux Néroli – embaument les rues au printemps. Certains avancent aussi que des oranges douces auraient été cueillies avant maturité par les passants. Quoi qu’il en soit, la ville s’assurait ainsi d’avoir des rues toujours vertes, parfumées… et des fruits qui restent sur l’arbre pour la beauté du décor.

2. Le rouge ocre n’est pas qu’esthétique

La légende raconte que la couleur de Marrakech viendrait du sang versé lors de sa fondation. C’est poétique, mais la réalité est plus prosaïque : les anciens bâtisseurs utilisaient simplement les matériaux disponibles sur place – un mélange de terre argileuse, de chaux et de pigments naturels. Ce « Rouge Marrakech » possède toutefois une vertu technique : il régule la température intérieure des bâtiments en absorbant la chaleur du soleil plutôt qu’en la renvoyant. Sous le soleil écrasant du Haouz, ce choix n’était pas anodin.

3. Le secret des entrées « invisibles » (la chicane)

Avez-vous remarqué que lorsque la porte d’un riad est ouverte, on ne voit jamais le patio depuis la rue ? On tombe toujours sur un mur sombre ou un couloir qui tourne. Ce n’est pas un hasard : cela s’appelle la « skifa » ou « setwan ». L’architecture de la médina repose sur la notion de « Satr » (la pudeur). Les bâtisseurs dessinaient toujours l’entrée en forme de L pour une double raison. D’abord visuelle : empêcher les passants d’apercevoir l’intimité du foyer, même porte grande ouverte. Ensuite thermique : ce coude agit comme un sas qui casse le vent et la poussière venant de la rue, gardant ainsi le patio frais et propre.

Une ville à lire entre les lignes

Ainsi, Marrakech ne se contente pas d’être belle ; elle est intelligente. Chaque détail, du pavé au sommet des murs, raconte une histoire d’adaptation au climat, de respect de la vie privée et de bon sens séculaire. La prochaine fois que vous flânerez en médina, ne regardez plus seulement le décor. Cherchez l’intention. Car c’est dans ces silences et ces astuces invisibles que réside la véritable magie de la Ville Ocre.