L’huile d’olive marrakchie serait-elle enfin prête à partir à l’assaut du marché mondial ? Depuis quelques années, quelques oléiculteurs passionnés y croient dur comme fer et relèvent les manches pour atteindre ce rêve désormais à portée de main. Parmi cette poignée d’artisans du bon goût, on trouve Franck Salvatori, un quadragénaire corse très attaché à la qualité de son produit.
Originaire du nord de l’île, il s’est installé à Tahanaout l’an dernier avec son épouse, après qu’ils aient découvert le «terroir exceptionnel» de la région. «Dans ma famille, observe-t-il, produire de l’huile d’olive est quelque chose qui se transmet de père en fils depuis 1873. C’est une vraie passion, mais je ne vous cache pas qu’il est devenu difficile d’en vivre en Corse aujourd’hui, du fait des maladies qui affectent les arbres et la rentabilité. En venant ici il y a trois ans, pour les vacances, je me suis rendu compte que la situation était bien différente. Et qu’avec mon savoir-faire, je pouvais en vivre en produisant une huile de très haute qualité». Depuis, son projet a mûri. Et lorsqu’il s’est agi de le faire éclore, Franck Salvatori s’est associé à Jacques Preziosi, un ami de longue date pour qui Marrakech et ses environs n’ont plus de secret. Avec lui et l’aide de leurs compagnes respectives, Marie-Jo et Nora, les deux hommes ont créé la société Huiles précieuses et prospecté pendant de longs mois sur les flancs de l’Atlas afin d’y sélectionner les plus beaux vergers de menara, mais aussi et surtout de picholine, cette fameuse variété réputée pour ses qualités organoleptiques. De ces champs d’oliviers qui s’épanouissent entre 600 et 1.000 mètres d’altitude, le couple Salvatori a fait le choix d’en louer les parcelles, quand il n’achète pas directement les récoltes, lesquelles sont systématiquement réalisées à la main, avec l’aide d’une population rurale avec qui le duo apprécie se mêler. «J’aime être au contact des gens des campagnes. Ils ont des valeurs, une culture qui me rappelle un peu la Corse d’autrefois», explique l’oléiculteur. Une passion qui ne l’empêche pas d’être sérieux dans le job.
Il ne manque d’ailleurs aucune miette du processus de transformation des olives, qui se déroule dans les locaux du GIE de Zouyout Oued Ourika. Cette unité d’extraction, assuret- il, «respecte les normes européennes d’hygiène» et lui permet de produire une huile d’olive vierge extra pressée à froid. Mais ce n’est pas tout : «Notre huile a la particularité de présenter un taux d’acidité extrêmement bas», glisse Marie-Jo, avant d’ajouter en souriant : «Pour moi, c’est un vrai médicament. J’en consomme tous les jours.» Fruit de tous ces efforts, la première cuvée de son Huile bleue est sortie de la coopérative en 2018. Une véritable merveille à l’arôme fruité qui a aussitôt décroché la médaille d’or du Salon International Agricole de Meknès (SIAM). Fort de cette reconnaissance mais aussi grâce au carnet d’adresses de leur ami Jacky Bensimhon, le couple Salvatori voit aujourd’hui son nectar se faire une place dans les cuisines des restos réputés de la ville, comme c’est le cas au Grand Café de la Poste, au Palais Ronsard et au Zeitoun Café. Des boutiques comme celle des Jardins de la Médina, My Kawa Market ou encore Lila Store proposent également à leur clientèle ce petit trésor au packaging très chic.
Le début d’une belle aventure ? «Disons que c’est un départ très encourageant», admettent Franck et Marie-Jo Salvatori avec un brin de modestie. En tout cas, le couple ne s’en cache pas : il envisage déjà d’exporter une partie de la prochaine récolte. «Vu comme les productions baissent en ce moment en Europe, nous pouvons nous faire une place sur ce marché. Notre huile sera ultra-compétitive.» C’est tout le mal qu’on leur souhaite.
Par : Jérémy Beaubet