Parfois, le poids d’un père d’exception peut être écrasant. Pour d’autres, c’est une source intarissable d’élévation. Pour Moulay Abdellah Alaoui, c’est la deuxième option. L’amour de l’histoire, de la littérature, de la musique, de l’art en général coule dans les veines de ce photographe, bien connu des Marrakchis, comme il a coulé, avant lui, dans celles de son père Mohamed Alaoui Ben Abdellah, ou Moulay Fdil, récemment disparu. “J’ai envie aujourd’hui d’exposer ses œuvres calligraphiques et rendre ainsi hommage à cet homme intègre, un grand intellectuel, qui avait deux passions : ses livres et ses enfants”, confie-t-il. Alors oui, grandir auprès d’un tel homme est inspirant.
À l’âge de 9 ans, il est déjà très attiré par les appareils photographiques qui trônent à la maison, malgré l’interdiction paternelle. “Mes premiers modèles ont été ma famille et les animaux domestiques, continue Alaoui. Photographier mon environnement m’a permis de sortir de mon cocon et de briser un peu ma grande timidité”.
Sur la table du salon familial, s’empilaient les numéros de News, Reporter, Photo… Une mine d’or. “J’ai appris le métier seul, en les feuilletant, avec une prédilection pour les photographies de mode et pour les modèles féminins”, s’amuse-t-il. Fort de toutes ces techniques dévoilées, l’œil ainsi éduqué, il passait alors son temps dehors à les mettre en pratique. Et puis les années ont filé. Avec ses premiers cachets, il s’achète des pellicules et des livres sur le sujet, et court les spectacles, les vernissages et les expositions. Au fil de ces événements et de ces rencontres, Moulay Abdellah Alaoui tisse des liens tous azimuts. Avec cette bande d’amis peintres, critiques d’art, journalistes, musiciens… il participe à déployer l’aura culturelle de Marrakech. “C’était la belle époque”. Ensemble, ils défendent bec et ongles les artistes, leur ville aussi, et soutiennent toutes les initiatives qui érigent la culture en maître. Un militantisme qui ne s’est d’ailleurs jamais essoufflé. À l’âge de 57 ans, ce touche-à-tout est, encore et toujours, de toutes les manifestations. L’appareil en bandoulière. Mais ne lui parlez surtout pas de retraite. “Je ferai de la photo tant que mon corps suivra. Sortir, bouger, partir à la pêche d’une bonne image, c’est ce qui rend vivant un photographe”.